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tué le maître de l’âne. Les Vouashenzi avaient affirmé n’avoir jamais vu l’homme en question, ajoutant qu’ils en feraient serment si la sultane le désirait.

La souveraine ne voulant pas d’un faux serment, car elle était persuadée qu’ils mentaient, avaient dit aux coupables qu’elle les enverrait à Zanzibar, pour que le sultan se chargeât de les punir. Puis cette femme, qui, évidemment, possédait l’énergie et la cupidité de son père, avait demandé à mes hommes pourquoi je n’avais pas payé le tribut qu’elle avait envoyé chercher. Mes hommes, ne sachant rien de mes affaires, n’avaient pas pu répondre. La fille de Kisabengo leur avait alors signifié qu’elle se payerait elle-même, non-seulement en gardant l’âne et sa charge, mais en leur prenant leurs armes, qui formeraient sa part ; — les effets de l’Hindi seraient pour ses gens ; — qu’en outre ils seraient mis aux fers, eux, mes soldats, jusqu’à ce que leur maître vint les délivrer.

L’exécution avait suivi les paroles ; et mes trois hommes étaient enchaînés depuis seize heures sur la place du marché, exposés à tous les quolibets de la foule, quand un Arabe que j’avais rencontré à Kingarou, le cheik Thani, les avait reconnus. Après avoir écouté leur histoire, il s’était rendu près de la sultane et lui avait démontré son imprudence.

« Le Mousoungou, avait dit l’excellent homme, exagérant sans scrupule, le Mousoungou a deux fusils qui peuvent tirer quarante coups sans s’arrêter, et qui envoient leur plomb à une demi-heure de marche. Je ne parle pas d’autres fusils, dont la charge est effrayante. Il a des balles qui éclatent et qui mettent un homme en pièces. Du haut de la montagne, il exterminerait tous les gens de la ville, hommes, femmes, enfants et guerriers, avant que pas un de vos soldats ne pût arriver au sommet. Il viendra ; ce sera la guerre ; la route sera fermée. Le sultan de Zanzibar marchera contre vous ; les Vouadoé, les Vouakami prendront leur revanche ; et de la cité de votre père il ne restera rien. Délivrez les soldats du Mousoungou ; faites-leur donner le grain qu’ils demandent, et laissez-les partir avec tout ce qu’ils réclament ; car peut-être l’homme blanc est-il déjà en route pour vous attaquer. »

Ce tableau de ma puissance avait produit un bon effet, puisque mes soldats avaient été relâchés, et qu’on leur avait fourni assez de grain pour nourrir tous mes hommes pendant quatre jours ; mais des objets qu’on leur avait pris, ou qui appartenaient au cuisinier, on ne leur avait rendu, avec le baudet, qu’un fusil, le