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gérengéri. En cet endroit, le terrain se compose de débris quartzeux, charriés par des cours d’eau permanents. Au bord de ces derniers est une végétation puissante, où, parmi des bambous de deux pouces et demi de diamètre, on remarque le myombo, grand et bel arbre à l’écorce non moins unie que celle du frêne ; l’imbité aux feuilles charnues, le figuier-sycomore, le tamaris, une espèce de prunier, le bombax et le mgoungou, dont les branches, largement étalées, portent de petites feuilles réunies en bouquets.

Bien que de Simbo on n’aperçût pas de villages, il y en avait plusieurs dans les plis de la montagne. Ces bourgades étaient habitées par des Vouaségouhha, restés enclins au vol et au meurtre.

Comme nous allions partir, il se produisit un fait n’ayant d’abord nulle importance, et dont les suites nous causèrent de vives inquiétudes. Bander Salaam, mon cuisinier, un natif du Malabar, fut surpris pour la cinquième fois, détournant des vivres destinés à ma table. Je lui avais toujours pardonné ; mais ce jour-là, Shaw reçut l’ordre de lui administrer une douzaine de coups de fouet, sans trop de rigueur, et par-dessus ses vêtements, ce qui n’avait rien de bien sévère. J’ajoutai, il est vrai, que ne voulant pas avoir sous les yeux un voleur endurci, je le mettais à la porte du camp. Non pas que j’eusse l’intention de le renvoyer, et d’en faire la proie des bandits, toujours à l’affût des traînards ; je voulais seulement lui faire peur. Mais il prit la chose au sérieux ; et dès que ses mains furent déliées, oubliant son chapeau, son âne, ses effets, il courut vers la montagne. En vain Abdoul Kader et Bombay lui crièrent-ils de revenir, Bander ne voulut rien entendre. Pensant néanmoins qu’il se raviserait, je fis attacher sa bête à un arbre ; on mit ses bagages sur l’animal, et nous partîmes.

La grande plaine que nous avions vue des hauteurs était maintenant en face de nous ; cette plaine, qu’on nomme Vallée de la Makata, nous a laissé d’affreux souvenirs. Ce furent d’abord de larges ondulations, couvertes de bambous, de chamérops, de mgoungous, et de majestueux palmyras (Borassus flabelliformis). Bientôt ces ondulations se brisèrent, déchirées par des ravins, qui, à cette époque, étaient remplis d’eau, et où croissaient en épais fourrés d’énormes roseaux, et des plantes à larges feuilles. Vinrent ensuite de grandes savanes, encombrées de hautes herbes, dont, çà et là, un arbre isolé rompait la monotonie.

Dans toute cette étendue, il n’y avait qu’un seul village, qu’ha-