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un acrobate de profession, pour se contenter de pareille chose, et pour s’en servir au-dessus d’une eau rapide et profonde. Nos Vouanyamouézi, au pied léger, n’étaient eux-mêmes rien moins qu’à l’aise en y passant.

Pour faire usage d’un pont africain, il faut d’abord sauter de la rive sur l’une des branches de l’arbre qui le constitue, branche qui est souvent dans l’eau., et toujours éloignée de vous ; puis, arrivé à l’extrémité, faire un nouveau bond pour regagner la terre. Avec soixante-dix livres sur les épaules, ce n’est pas toujours facile. Quelquefois on a pensé à tendre une liane d’un arbre à l’autre, en guise de parapet, ce qui vous est d’un grand secours ; mais il est rare que cette précaution ait été prise, les Vouashenzi la trouvant superflue.

Nos ânes déchargés, cela va sans dire, furent mis à l’eau et halés à travers le torrent, ce qui nécessita de vigoureux efforts. Le passage toutefois, eut lieu sans accident ; mais il exigea cinq grandes heures et une dépense d’énergie, de colère et de gros mots à défrayer toute une armée.

Les ânes rechargés, et nos habits tordus, nous nous dirigeâmes vers le nord, en laissant à notre gauche deux montagnes, qui nous cachèrent bientôt l’affreuse vallée, et le bord fangeux et fumant de la rivière.

Je me suis toujours trouvé plus à l’aise, plus léger de corps et d’esprit lorsque j’étais en marche que pendant ces interminables jours de balte, où, rongé d’impatience, je me révoltais contre des retards que nul effort ne pouvait éluder. Il serait donc possible que la joie d’être en route m’eût fait voir le pays sous des couleurs plus riantes que de raison. Dans tous les cas, la perspective qui s’offrait à nos regards me parut beaucoup plus agréable que la vallée de Simbamouenni, avec toute sa fertilité. C’était une série de clairières, séparant des bouquets de jeunes arbres, bornée au loin par des pics détachés. De temps à autre, quand nous avions gravi quelque hauteur, nous apercevions la ligne bleue des montagnes de l’Ousagara, qui fermait l’horizon à l’ouest et au nord, et qui dominait une vaste plaine.

Au pied d’un long coteau, sillonné d’eaux murmurantes, nous trouvâmes un Khambi[1], dont les huttes étaient bien faites, et que les indigènes appellent Simbo. Ce camp est à deux heures juste, au nord-ouest, c’est-à-dire à cinq milles du fameux pont de l’Oun-

  1. Boma ou camp fortifié ; sorte de Kraai entouré d’épines.