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descendante pour me quitter et pour s’en aller avec elle. Je lui répondis que s’étant montré peu soigneux, et préférant le repos au travail, il pouvait partir quand il voudrait, que je n’y mettais pas obstacle ; mais que je retiendrais ses bagages pour me remplir de la somme qu’il avait touchée à Zanzibar, et qu’il avait reçue à titre d’avances.

Cette déclaration fit rentrer Shaw en lui-même ; une heure après il avait repris son service et la paix était faite.

Je m’aperçus le lendemain, pour la première fois, que mon acclimatation aux marais de l’Arkansas ne me servirait pas en Afrique.

Il était dix heures du matin lorsque les symptômes précurseurs de la moukoungourou m’envahirent. C’est d’abord une lassitude générale accompagnée de somnolence ; puis un malaise pénible, qui part des lombes, remonte la colonne vertébrale, s’étend dans les côtes gagne les épaules, s’y arrête et devient une douleur fatigante. Le froid vous saisit, tout le corps est glacé. La tête s’alourdit, les tempes ont des battements rapides, le regard se trouble ; vous êtes pris de vertige, et dans le vague où ils apparaissent, tous les objets sont déformés.

L’accès me quitta à dix heures du soir, me laissant une extrême faiblesse.

J’eus recours au traitement, qui, d’après l’expérience que j’avais acquise dans l’Arkansas, avait le plus d’efficacité ; savoir : quinze grains de sulfate de quinine, en trois doses de cinq grains chacune, avalées d’heure en heure, à partir du premier effet d’une médecine qu’on a prise la veille au soir. Cette médication, appliquée pendant les trois jours qui suivirent l’accès, prévint le retour de la fièvre, au moins pendant quelque temps, et m’a donné le même résultat, chaque fois que je l’ai employée, soit pour moi, soit pour mes hommes.

Le troisième jour de notre halte, je vis arriver des notables de Simbamouenni, qui venaient de la part de leur souveraine chercher le tribut que Sa Hautesse croit pouvoir exiger. Mais comme il est d’usage de n’imposer qu’un tribut au propriétaire d’une caravane, si divisée qu’elle soit, et que Farquhar avait acquitté ma dette, — les ambassadeurs le reconnaissaient eux-mêmes, — je répondis à ces derniers qu’il ne serait pas loyal de me faire payer deux fois. Les notables répliquèrent par un : Ngema (très-bien) ; et me promirent de porter ma réponse à leur souveraine. On verra dans le chapitre suivant ce qui advint de l’approbation des notables, et de quelle manière leur maîtresse en agit avec moi.