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Une descente d’environ trente mètres s’arrêta dans un lit de torrent desséché, à fond sableux, dont l’autre rive nous fit regagner l’élévation perdue. Nous nous retrouvâmes alors sur un terrain pareil à celui que nous venions de quitter, et nous le suivîmes jusqu’à un étang près duquel se voyait un boma dont les huttes, récemment faites et bien construites, furent occupées immédiatement par mes hommes[1]. La petite charrette nous avait causé énormément d’embarras ; le plus vigoureux de nos ânes, bien qu’il portât facilement cent quatre-vingt-seize livres, ne pouvait pas en traîner avec elle plus de deux cent vingt-cinq.

Le lendemain nous partîmes de bonne heure pour Mikiseh. À huit heures et demie nous gravissions la pente méridionale du pic de Kira. Lorsque nous arrivâmes à deux cents pieds au-dessus de la contrée environnante, nous eûmes sous les yeux la vue magnifique d’une terre qui ne prend jamais de repos, et qui, s’il l’avait connue, aurait empêché Malthus d’écrire ces pages insensées où il déraisonne à propos de l’excès de population, et de la ruine qui en résultera pour son pays. S’il arrive que les fils de John Bull soient trop multipliés sur un point quelconque, je n’ai pas moins de foi en eux qu’en ceux de Frère Jonathan ; ils sauront se frayer passage et arriver où ils auront les coudées franches, laissant derrière eux la misère et la richesse se distribuer au hasard. Il y a toujours, chez les Anglo-Saxons, des Hengists et des Horsas, des capitaines Smiths, des Pères Pèlerins ; quand l’Amérique deviendra trop étroite pour leurs descendants, qui peut dire que ceux-ci ne prendront pas l’Afrique pour demeure, et tout d’abord cette région si féconde ?

Nous quittâmes la pente méridionale du Kira pour suivre l’arête d’un chaînon qui s’y rattache, et nous descendîmes dans la vallée de Kiourima, où l’on trouve en toute saison une eau pure et abondante. Kiourima est le premier établissement que nous ayons rencontré dans l’Oudoé. À deux milles de ce village, du côté de l’ouest, est Mikiseh.

Le 16, après deux heures de marche, nous atteignions l’Oulagalla. Ce nom est celui d’un district ou d’une portion de district, placée entre les montagnes d’Ourougourou qui la bornent au midi, et celles de l’Oudoé qui sont au nord.

  1. Boma, bomani veulent dire estacade ; c’est ici un camp formé de huttes en paille et entouré d’une palissade épineuse. La forme et les matériaux des huttes, voire de la palissade, varient suivant les localités, mais partout le voisinage de l’eau décide de l’emplacement. Le boma s’appelle aussi khambi. (Note du traducteur.)