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membre, et des flots de perles autour du cou ; celle-là entre tant d’autres, qui se pressaient à ma réception, dans toute la gloire de leur nudité. Mais j’en conviens, la différence était énorme entre ma cour et celle du président Grant, une cour ayant pour reporter un homme aussi capable que mon ami Jenkins.

Le 12 nous atteignîmes Moussoudi, qui est au bord de la rivière.

La route, ce jour-là, fut excellente ; pas un paquet dérangé, pas une cause d’impatience. Une fois chargés, les ânes n’eurent plus qu’à marcher devant eux. Si le chemin de l’Ounyanyembé était partout comme cela, on irait aussi aisément que de New-York à Staten-Island, par un beau jour de fête. Ôtez lui ses allées sablées, ses lacs, ses bassins, les musées qu’il renferme, ses arbres treillagés, son kiosque, ses policemen, ses promeneurs, tout ce qui rappelle la civilisation, et le Park-Central, avec ses fraîches pelouses, ses vallonnements, ses rampes couvertes de massifs, présentera aux New-Yorkais, s’ils peuvent se le figurer de la sorte, une image assez fidèle du pays que l’on rencontre en sortant de Kisémo.

Ce parc magnifique, splendide dans sa sauvagerie, plein d’arbustes odorants, parmi lesquels je reconnus la sauge et l’indigotier, s’étend jusqu’aux montagnes qui séparent l’Oudoé de l’Oukami, à vingt milles de l’endroit où nous étions ; montagnes, dont les cônes lointains et le pic de Kira forment à cette charmante scène un fond qui en complète la beauté.

Lorsqu’on approche de la vallée de l’Oungérengéri, on voit le granit et un quartz étincelant saillir au-dessus de la terre rougeâtre[1]. Nous descendîmes une côte rocailleuse, où prédominaient ces roches ; nous nous trouvâmes alors sur un alluvion sableux, déposé par la rivière, et nous traversâmes des champs de sorgho, de canne à sucre, de maïs, de manioc ; des jardins où l’on cultive l’aubergine, le concombre et le cari.

  1. La couleur rouge, plus ou moins vive, plus ou moins foncée, est caractéristique de cette région, ou lorsqu’elle disparaît à la surface, on la retrouve fréquemment sous l’humus des vallées ou sous le sable des plaines. « Quand le soleil brille, dit Burton, en partant des forêts de l’Ousagara, la scène est à la fois étrange et d’un effet imposant ; le sol d’un rouge sombre, élevé à mi-corps des arbres par les galeries des termites, oppose sa nuance tout africaine à la teinte claire du feuillage. » Dans le Marenga Mkali, le même voyageur signale une terre grasse colorée de jaune et de rouge. « Je suis frappé, dit-il, en décrivant l’Ougogo, je suis frappé de la coloration du paysage. Au loin, des chaumes dorés, tachetés d’un noir roux par des halliers, dépouillés de feuilles, que porte un sol d’un rouge de brique. En approchant les teintes se diversifient ; sur la plaine rutilante sont des rochers gris, entourés et coiffés d’herbes blanches, des baobabs empourprés, des épines d’un bronze cuivreux ou ver-