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UNE RENCONTRE.

tous n’est pas de pierre, peut-être ? Et s’ils le découvraient ? Oh non ! ils n’auraient pas de pitié ! »

Les bœufs de Maroussia, tout en conservant leur majestueuse gravité habituelle, animés peut-être par le piétinement de cette cavalerie et caressés par la fraîche brise matinale, marchaient pourtant d’un pas un peu plus leste. Les chevaux du régiment allaient militairement, mais de temps en temps ceux qui étaient plus près de la voiture allongeaient le cou et arrachaient avec un indicible plaisir un peu de foin aux bottes qui se trouvaient à portée de leurs dents. Cela faisait frissonner Maroussia. Si une botte se détachait, si…

Tout à coup Maroussia, en jetant un regard du côté des soldats, aperçut une paire d’yeux qui étaient comme fixés sur elle. Ces yeux étaient perçants comme deux lames de poignard, et flamboyaient comme des charbons ardents. Ils la regardaient avec grande attention, oui, et avec méfiance peut-être.

Elle eut chaud et froid et pensa que tout était perdu. Mais elle se dit :

« Je dois être — comme lui ! »

Et elle reprit courage.

Les deux officiers caracolaient en avant. L’un riait, l’autre grognait. Les soldats, eux, devenaient silencieux et comme assoupis par le ralentissement de leur allure.