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dans mon récit ; mais connaissant combien le peuple russe tient à chaque parole prononcée par son Souverain sur son lit de mort, paroles propres à montrer le caractère de son âme pleine de grandeur, d’humilité, de bonté et de compassion, je n’ai pas cru devoir les taire, quoique moi-même je ne sente que trop que j’en suis indigne et ne les mérite pas de la part d’un Souverain aussi grand et aussi magnanime. » Bientôt après, ses bras et sa tête retombèrent en arrière sur le dos du fauteuil dans lequel il était assis, et il expira tranquillement et sans agonie. Tous les membres de la famille impériale se mirent à genoux sans bruit, en silence, acceptant avec résignation la volonté de Celui qui tient dans ses mains la vie de toutes les créatures.

« Essuie tes larmes », s’écrie le Père Jean en terminant son récit, « essuie tes larmes, ô Russie, et cesse de t’affliger ? Si les prières ont été impuissantes auprès de l’Éternel pour rendre la vie à ton Souverain bien-aimé, elles lui ont procuré une mort tranquille et chrétienne, qui a couronné la gloire de sa vie. C’est cette pensée consolante qui doit t’être le plus chère ! Reporte donc l’amour que tu avais pour le défunt monarque sur son fils, l’Empereur actuel Nicolas II, celui qui a reçu de son auguste père, comme un legs suprême, le conseil de marcher sur ses traces. »

Cette narration si touchante dans sa naïveté et sa simplicité nous révèle la vraie physionomie de ce prêtre. Aussi le peuple russe attribue à sa prière le don même des miracles, et nous le voyons accourir, des points les plus reculés du