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heur, se reporte successivement sur les individus de cette famille qui survivent à ceux qu’on immole. Les Français qui verserent des pleurs sur le destin du Roi, ont consacrés à la Reine l’affection déchirante qu’ils ressentoient pour son Époux ; et si la Reine périssoit à son tour, si le jeune enfant héritier de tant d’infortunes, mourroit privé des soins de sa touchante mere, on s’attacheroit aux restes de cette race persécutée, et les Princes qu’on repousse aujourd’hui, intéresseroient encore quand il n’existeroit plus qu’eux. Ah ! si vous craignez la Reine parce qu’on l’aime davantage, c’est elle cependant dont la liberté, dont le séjour hors de France, vous seroit le moins redoutable, il est des obstacles qui peuvent irriter l’ambition, mais le cours d’infortunes que Marie Antoinette a parcouru, détrompe des hommes et de la vie, au sortir du tombeau, l’on n’aspire pas au Trône, et cette longue infortune ôte presque jusqu’au besoin du bonheur, sa piété religieuse, sa tendresse dévouée, tout vous est garant qu’elle a détaché son cœur d’elle-même, et que le retour à l’existence, à la nature, suffiroit pour occuper le peu d’années dont il lui reste encore la force. Peut-être réserve-t-on sa délivrance comme un moyen de négocier avec les