lement, mon cher Barton, de faire naître des incidents qui vous retiennent un mois à Mondoville.
P. S. Je reçois à l’instant une lettre d’Espagne, qui m’est assez pénible : ma mère me mande que madame du Marset, qui lui écrit souvent, comme vous le savez, l’a prévenue que mademoiselle de Vernon avait une cousine très-spirituelle, mais singulièrement philosophe dans ses principes et dans sa conduite, enthousiaste des idées politiques actuelles, etc., et dont la société ne vaut rien pour moi. Ma mère me recommande de ne pas me lier avec madame d’Albémar ; c’est une prévention absurde que je parviendrai sûrement à détruire. Cependant je suis indigné contre madame du Marset, et je saisirai la première occasion de le lui faire sentir.
Il m’a parlé, ma chère, avec intérêt, avec intimité ! Mon Dieu, combien je m’en suis sentie honorée ! Écoutez-moi : ce jour contient plus d’un événement qui peut hâter la décision de mon sort.
J’avais dîné chez madame de Vernon avec madame du Marset et son inséparable ami, M. de Fierville : je ne sais par quel hasard, à l’heure même où Léonce a coutume de venir chez madame de Vernon, elle mit la conversation sur les événements politiques. Madame du Marset se déchaîna contre ce qu’il y a de noble et de grand dans l’amour de la liberté, comme elle aurait pu le faire en parlant des malheurs que les révolutions entraînent. Je la laissai dire pendant assez longtemps ; mais quelques plaisanteries de M. de Fierville contre un Anglais qui combattait les absurdités de madame du Marset m’impatientèrent. M. de Fierville vient toujours au secours de la déraison de son amie, en tournant en ridicule le sérieux que l’on peut mettre à quelque sujet que ce soit ; et il effraye ceux qui ne sont pas bien sûrs de leur esprit, en leur faisant entendre que quiconque n’est pas un moqueur est nécessairement un pédant. J’eus envie de secourir l’Anglais, nouvellement arrivé en France, que cette ruse intimidait, et j’entrai malgré moi dans la discussion.
Madame du Marset a retenu quelques phrases d’injure contre Rousseau, qu’on lui fait débiter quand on veut ; madame de Vernon la provoqua, je lui répondis assez dédaigneusement.