fautes, et notre vie, bientôt troublée, aurait peut-être un jour une funeste fin.
Non, je ne veux point aimer Léonce ; quand il serait libre, je ne le voudrais point. J’ai eu besoin de me le répéter, de relire sa lettre, de détruire par de longues réflexions l’impression que m’avait faite le danger qu’il vient de courir ; mais j’y suis parvenue : mon âme s’est affermie, et je puis le revoir maintenant avec le plus grand calme et la plus ferme résolution de ne considérer désormais en lui que l’époux de Mathilde.
Que vous disais-je dans ma dernière lettre, ma chère Louise ? Il me semble que je vais le démentir. Je l’ai vu, Léonce. Ah ! je n’ai plus aucun souvenir de ce que je pensais contre lui : comment pourrais-je mettre tant d’importance à ce que j’appelais ses défauts ? Pourquoi le juger sur une lettre ? L’expression de son visage le fait bien mieux connaître.
J’avais reçu hier une lettre de M. Barton, qui m’annonçait qu’il avait rencontré M. de Mondoville à Bordeaux, et qu’ils revenaient ensemble : j’allai chez madame de Vernon pour lui porter ces bonnes nouvelles. J’avais l’esprit tout à fait libre ; la lettre de Léonce avait changé mes idées sur lui. Je ne sais pas pourquoi elle avait produit cette impression ; en y pensant bien aujourd’hui, je trouve que c’était absurde ; mais enfin Léonce n’était plus pour moi que le mari de Mathilde, le gendre de mon amie, et j’entretins pendant deux heures madame de Vernon de tout ce qui pouvait avoir rapport à ce mariage, avec un sentiment d’intérêt qui lui fit beaucoup de plaisir. Elle ne s’était pas doutée, je crois, des pensées qui m’avaient troublée pendant quelques jours : mais la conversation ne s’était point prolongée sur Léonce, parce que je la laissais tomber involontairement ; tandis qu’hier, par je ne sais quelle sécurité, à la veille même du danger, j’étais inépuisable sur les motifs qui devaient attacher madame de Vernon à ses projets pour sa fille. Je ne conçois pas encore d’où me venait ce bizarre mouvement ; je voulais prendre, je crois, des engagements avec moi-même, car cette vivacité ne pouvait pas être naturelle : elle plut à madame de Vernon, qui me pressa vivement de passer, le lendemain, le jour entier avec elle.
Après dîner, l’on annonça tout à coup M. Barton : sa figure me parut triste ; je craignis quelque événement funeste, et je