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DELPHINE.

ce mariage mille fois préférable à tout autre ; elle reprit par degrés sa grâce accoutumée, et je partis après l’avoir embrassée ; mais je conservai cependant quelques nuages de ce qui venait de se passer.

Concevez-vous ma folie, ma chère Louise ? Ce qui m’a blessée peut-être si vivement, c’est un témoignage d’indifférence pour Léonce ! Pourquoi vouloir que madame de Vernon le regrette profondément, qu’elle ne cherche, point un autre époux pour sa fille ? elle ne l’a jamais vu. Cependant n’est-il pas vrai, ma chère Louise, que c’est se consoler trop tôt de la perte d’un jeune, homme si distingué ? Ah ! s’il était possible qu’on le sauvât ! ce serait Mathilde qui goûterait le bonheur d’en être aimée ; elle n’aurait pas souffert de son danger ; il renaîtrait pour elle : le calme de son imagination et de son âme la préserve des peines les plus amères de la vie. Louise, votre Delphine ne lui ressemble pas.

LETTRE XVI. — MADEMOISELLE D’ALBÉMAR À DELPHINE.
Montpellier, 20 mai 1790.

Je me hâte de vous dire, ma chère Delphine, que M. de Mondoville est mieux ; un chirurgien habile l’a soigné avec beaucoup de bonheur, et lorsque la perte de son sang a été arrêtée, il s’est trouvé, très-vite hors de tout danger. Il aurait déjà repris sa route, si l’on ne craignait que sa blessure ne se rouvrit en voyageant. Il a écrit à M. Barton une lettre que Télin m’a adressée, pour vous prier de la faire parvenir sûrement. Je vous l’envoie.

Il faut que Léonce ait quelque chose de bien aimable, pour que ce vieux négociant de Bayonne, Télin, qui de sa vie n’a pensé qu’aux moyens de gagner de l’argent, écrive des lettres toutes remplies d’éloges sur les qualités généreuses de M. de Mondoville ; en vérité, je crois qu’il a fait de Télin une mauvaise tête ! Sérieusement, c’est un rare mérite que celui qui est vivement senti même par les hommes vulgaires ; et je crois toujours plus aux qualités qui produisent de l’effet sur tout le monde qu’à ces supériorités mystérieuses qui ne sont reconnues que par des adeptes.

Chère Delphine, il est très-vraisemblable, à présent que vous allez voir M. de Mondoville ; votre imagination est singulièrement préparée à recevoir une grande impression par sa présence : défendez-vous de cette disposition, je vous en conjure,