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CONCLUSION.

tour d’elle, il lui dit : « Ma Delphine, tu crois à l’immortalité, tu m’en as persuadé ; je meurs plein de confiance dans l’Être qui t’a créée. J’ai respecté la vertu en idolâtrant tes charmes ; je me sens, malgré mes fautes, quelque droit à la miséricorde divine, et tes prières me l’obtiendront. Mon ange, nous ne serons donc pas pour jamais séparés ; même avant de nous réunir dans le ciel, tu sentiras encore mon âme auprès de toi, tu m’appelleras toujours quand tu seras seule. Plusieurs fois tu répéteras le nom de Léonce, et Léonce recueillera peut-être dans les airs les accents de son amie. Cherche, ma Delphine, tout ce qu’il y a de doux, de sensible dans la douleur : remplis ta vie des hommages solitaires et tendres que l’on peut rendre encore à la mémoire de l’objet que l’on regrette. — Arrête ! interrompit Delphine, que parles-tu de ma vie ? As-tu donc osé penser que je pourrais te survivre ? Oui, sans doute, mon cœur s’est toujours confié dans l’immortalité de l’âme, quand il ne s’agissait que de mon sort ; cette noble croyance suffisait à mon repos ; mais est-ce assez de cette espérance qu’un nuage couvre encore aux regards les plus vertueux des mortels ? est-ce assez d’elle pour supporter l’existence après ta mort ? Non, rien ne peut me soutenir contre l’horreur de ta perte. Léonce, en ton absence, le moindre souvenir de toi, un mot que tu m’avais dit, des lieux que nous avions vus ensemble, mille hasards qui retracent une idée toujours présente, me faisaient succomber sous la douleur d’une émotion déchirante ; et j’aurais ces mêmes souvenirs, mais avec les traits de la mort ! Je m’écrierais sans cesse : Jamais ! jamais !.... Mes pleurs, mes cris n’obtiendraient pas de la nature entière un son de ta voix, la trace de tes pas, une ombre de tes traits ! Léonce, ami si tendre, toi qui, dans mes chagrins, as si souvent eu pitié de moi, je me précipiterais, désespérée, sur la terre qui te renfermerait, sans qu’il en sortit un soupir pour répondre à mes larmes ! Non ! non ! je n’irai point dans ce désert, dans ce silence, dans cette nuit du monde, où je ne te verrais plus. La mort, dont l’affreuse idée m’a souvent glacée de terreur, te frapperait, moi vivante ! je me représenterais ton visage défiguré, tes yeux éteints pour toujours, tes restes froids, ensevelis dans la tombe où je t’aurais laissé seul, seul ! Ô mon ami, tu n’y seras pas seul ! Léonce, souverain de ma vie, répétait Delphine, je te vois ému, je sens que ton cœur répond au mien ; dis-moi donc que tu m’appelles, que tu ne voudrais pas me laisser vivre ; dis que tu ne le veux pas ! Ah ! j’aimerais cette touchante preuve d’amour, ce dédain d’une pitié vulgaire,