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CONCLUSION


Les lettres nous ont manqué pour continuer cette histoire, mais M. de Serbellane et quelques autres amis de madame d’Albémar nous ont transmis les détails qu’on va lire. M. de Serbellane, effrayé de l’état où il avait vu M. de Mondoville, ne résista point au désir et à la douleur de madame d’Albémar, et la conduisit sur les traces de Léonce à travers l’Allemagne. Suivant toujours M. de Mondoville, sans pouvoir l’atteindre, ils arrivèrent jusqu’à Verdun, où l’armée qui rentrait en France se trouvait réunie. Ce voyage fut cruel, mais la fermeté de M. de Serbellane et sa bonté délicate tour à tour contenaient et soulageaient les mortelles inquiétudes de madame d’Albémar.

Quand elle entra dans la ville de Verdun, elle frémit, et son impatience parut s’arrêter au moment de tout savoir ; elle pria M. de Serbellane d’aller s’informer de M. de Mondoville, et descendit dans une auberge en attendant son retour. Pendant qu’elle y était, un jeune Français blessé fut rapporté dans une chambre voisine de la sienne : elle demanda son nom ; on lui dit que c’était Charles de Ternan. Elle ne l’avait jamais rencontré, mais elle savait qu’il était parent de M. de Mondoville ; et, pensant qu’il pouvait l’avoir vu, elle entra dans sa chambre, par un mouvement tout à fait irréfléchi ; cependant l’embarras la retint sur le seuil de la porte, et elle entendit M. de Ternan qui disait : « Non, ce n’est pas de moi qu’il faut s’occuper, mais de mon brave compagnon, de mon généreux ami ; ne peut-on envoyer personne au camp français pour le réclamer ? Il ne servait point dans l’armée des étrangers, il venait seulement d’arriver à Verdun. En nous promenant ensemble, je me suis trop écarté des limites du camp, que mon ami ne connaissait point ; nous avons été attaqués par une patrouille républicaine, j’ai été blessé au premier coup de fusil ; et mon ami, sachant que si j’avais été fait prisonnier j’étais perdu, n’a pris les armes que pour me sauver. Je suis arrivé trop tard à son secours ; il était déjà pris, emmené à Chaumont pour être jugé,