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DELPHINE.

bénir, dans une de ces époques rares où la puissance ne méprise pas les lumières ; dans un mois la loi du divorce sera décrétée, et Léonce, en devenant votre époux, vous honorera par son amour, au lieu de vous perdre en s’y livrant. Craindriez-vous la défaveur du monde ? Vous avez vu ma femme la supporter peut-être avec peine ; mais je vous prédis que cette défaveur ira chaque jour en décroissant ; les mœurs deviendront plus austères, le mariage sera plus respecté, et l’on sentira que tous ces biens sont dus à la possibilité de trouver le bonheur dans le devoir.

Il est vrai que le divorce, paraissant à quelques personnes le résultat d’une révolution qu’elles détestent, leur déplaît sous ce rapport beaucoup plus que sous tous les autres ; et comme les haines politiques se dirigent plutôt contre un homme que contre une femme, il se peut que Léonce soit blâmé plus vivement que vous en adoptant une résolution que l’esprit de parti réprouverait. Mais, s’il faut une sorte de raison hardie dans les femmes pour se déterminer à devenir l’objet des jugements du public, il ne doit rien en coûter à un homme sensible pour assurer la gloire et la félicité de celle que son amour a pu compromettre.

Je sais que M. de Mondoville a été élevé dans un pays où l’on tient beaucoup à toutes les idées comme à tous les usages antiques ; mais il est trop éclairé pour ne pas sentir que les illusions qui inspiraient autrefois de grandes vertus n’ont pas assez de puissance maintenant pour les faire renaître. Ces souvenirs chancelants ne peuvent nous servir d’appui, et il faut fonder les vertus civiles et politiques sur des principes plus d’accord avec les lumières et la raison. Enfin, je n’en doute pas, il vous suffira d’apprendre à M. de Mondoville que le divorce devient possible pour qu’il saisisse avec transport un tel espoir de bonheur : il serait indigne de lui de sacrifier votre réputation à son amour, et de ne ménager que la sienne ! il serait indigne de lui de s’affranchir comme il le fait du joug de son mariage et de n’avoir pas la volonté de le briser légalement ! Voudrait-il reconnaître que sa passion pour vous est plus forte que ses devoirs, mais qu’elle céderait aux frivoles censures de la société ? Je m’arrête : une telle supposition est impossible.

J’ai toujours pensé qu’un homme ne peut répondre ni de son bonheur ni de celui de la femme qu’il aime s’il ne sait pas dédaigner l’opinion ou la subjuguer. M. de Mondoville est, de tous les caractères, le plus fort, le plus ardent, le plus énergique ;