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DELPHINE.

plus la moindre trace de la disposition pénible qui m’avait inspiré les premières lignes.

Delphine d’Albémar.
LETTRE IV. — DELPHINE D’ALBÉMAR À MADAME DE VERNON.
Bellerive, ce 16 avril 1790.

Ma chère tante, ma chère amie, pourquoi m’avez-vous mise en correspondance avec ma cousine sur un sujet qui ne devait être traité qu’avec vous ? Vous savez que Mathilde et moi nous ne nous convenons pas toujours, et je m’entends si bien avec vous ! Quand j’ai pu vous être utile, vous avez si noblement accepté le dévouement de mon cœur, vous l’avez récompensé par un sentiment qui me rend la vie si douce ! Ne voulez-vous donc plus que ce soit à vous, à vous seule, que je m’adresse ?

Si cependant je vous avais déplu par ma réponse à Mathilde, si vous ne me jugiez plus digne d’assurer le bonheur de votre fille ! Mais non, vous connaissez la vivacité de mes premiers mouvements ; vous me les pardonnez, vous qui conservez toujours sur vous-même cet empire qui sert au bonheur de vos amis plus encore qu’au vôtre. Je n’ai rien à redouter de votre caractère généreux et fier : il reçoit les services, comme il les rendrait, avec simplicité ; cependant rassurez-moi avant que je vous revoie. Je sais bien que vous n’aimez pas à écrire ; mais il me faut un mot qui me dise que vous persistez dans la permission que vous m’avez accordée.

Je le répète encore, vous n’affligerez pas profondément votre amie ; je serais la première personne du monde à qui vous auriez fait de la peine. Si j’ai eu tort, c’est alors surtout que, prévoyant les reproches que je me ferais, vous ne voudrez pas que ce tort ait des suites amères. J’attends quelques lignes de vous, ma chère Sophie, avec une inquiétude que je n’avais point encore ressentie.

LETTRE V. — MADAME DE VERNON À DELPHINE.
Paris, ce 17 avril.

Vous êtes des enfants, Mathilde et vous ; ce n’est pas ainsi qu’il faut traiter des objets sérieux ; nous en causerons ensemble ; mais n’ayez jamais d’inquiétude, ma chère Delphine, quand ce que vous désirez dépend de moi.

Sophie de Vernon,