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DELPHINE

PREMIÈRE PARTIE


LETTRE I. — MADAME D’ALBÉMAR À MATHILDE DE VERNON.
Bellerive, ce 12 avril 1790.

Je serai trop heureuse, ma chère cousine, si je puis contribuer à votre mariage avec M. de Mondoville ; les liens du sang qui nous unissent me donnent le droit de vous servir, et je le réclame avec instance. Si je mourais, vous succéderiez naturellement à la moitié de ma fortune : me serait-il refusé de disposer d’une portion de mes biens pendant ma vie, comme les lois en disposeraient après ma mort ? À vingt et un ans, convenez qu’il serait ridicule d’offrir mon héritage à vous qui en avez dix-huit ! Je vous parle donc des droits de succession, seulement pour vous faire sentir que vous ne pouvez considérer le don de la terre d’Andelys comme un service embarrassant à recevoir et dont votre délicatesse doive s’alarmer.

M. d’Albémar m’a comblée de tant de biens en mourant, que j’éprouverais le besoin d’y associer une personne de sa famille, quand cette personne, ma compagne depuis trois ans, ne serait pas la fille de madame de Vernon, de la femme du monde dont l’esprit et les manières m’attachent et me captivent le plus. Vous savez que la sœur de mon mari, Louise d’Albémar, est mon amie intime ; elle a confirmé avec joie les dons que M. d’Al-

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