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DEUXIÈME PARTIE.

dis positivement que c’est à votre générosité que ma fille doit la terre qu’elle lui a apportée en dot. Cette lettre sera remise par un de mes gens au courrier de l’ambassadeur d’Espagne, et dans huit jours vous serez justifiée auprès de Léonce. Je le renvoie à vous, pour savoir si j’ai mérité qu’il me pardonne. Je n’ai pu prendre sur moi de rien mettre dans cette lettre qui l’adoucit en ma faveur ; ma fierté souffrait, je l’avoue, de faire des aveux si humiliants à un homme qui ne m’a jamais aimée, et qui éprouvera sûrement, en lisant ma lettre, le dernier degré de l’indignation. Cette pensée, qui m’était toujours présente, m’a peut-être inspiré des expressions dont la sécheresse ne s’accorde pas avec ce que j’éprouve. Mais enfin c’est à vous, à vous seule, que je pouvais confier mon repentir. Je n’ai pas dit à Léonce dans quel état de santé j’étais ; ma mort le lui apprendra : je n’ai pu même me résoudre à lui recommander le bonheur de Mathilde ; une prière de moi ne peut que l’irriter : mais c’est entre vos mains, ma chère Delphine, que je remets le sort de ma fille. Je n’ai pas assurément le droit de donner des conseils à la vertu même ; cependant, je vous en conjure, contentez-vous de reconquérir l’estime et l’admiration de Léonce, et ne rallumez pas un sentiment qui, j’en suis sûre, rendrait trois personnes très-malheureuses. — Nous irons ensemble, je l’espère, lui répondis-je, auprès de ma belle-sœur, comme nous en avions formé le projet, et je ne quitterai plus sa retraite.

— Nous irons ! ce mot ne me convient plus ; mais j’ose encore m’en flatter, s’écria madame de Vernon en joignant les mains avec ardeur, le ciel réparera le mal que j’ai fait, et vous donnera de nouveaux moyens de bonheur. Votre belle-sœur doit me haïr ; adoucissez ce sentiment, afin qu’elle puisse, sans amertume, vous entendre quelquefois parler avec bonté de votre coupable amie. » Elle continua pendant assez longtemps encore à m’entretenir avec la même douceur, le même calme, et la même certitude de mourir. Il semblait que cette conviction eût dégagé son esprit de toutes les fausses idées dont elle s’était fait un système. Ses qualités naturelles reparaissaient, elle se plaisait dans les bons sentiments auxquels elle se livrait ; et quoique la retrouver ainsi dût augmenter mes regrets, j’éprouvais une sorte de bien-être en revenant à l’estimer. Je jouissais de ce qu’elle me rendait son image, et me permettait de me souvenir d’elle, sans rougir de l’avoir si tendrement aimée. Quoiqu’il ne me restât plus l’espérance de la conserver, il m’était cependant très-pénible de l’entendre parler si longtemps, malgré la défense des médecins. Je la lui rappelai avec instance.