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OBSERVATIONS

contre madame de Staël, comme des gens qui n’ont rien à ménager… Ils ont attaqué une femme, l’un avec une brutalité de collège (Ginguené paraît avoir imputé à Geoffroy, qu’il avait sur le cœur, un des articles hostiles que nous avons mentionnés plus haut), l’autre avec le persiflage d’un bel esprit de mauvais lieu, tous avec la jactance d’une lâche sécurité. » Après de nombreuses citations relevées d’éloges, en venant à l’endroit des locutions forcées et des expressions néologiques, Ginguené remarquait judicieusement : « Ce ne sont point, à proprement parler, des fautes de langue, mais des vices de langage, dont une femme d’autant d’esprit et de vrai talent n’aurait, si elle le voulait une fois, aucune peine à revenir. » Ce que Ginguené ne disait pas et ce qu’il aurait fallu opposer en réponse aux banales accusations d’impiété et d’immoralité que faisaient sonner bien haut des critiques grossiers ou freluquets, c’est la haute éloquence des idées religieuses qu’on trouve exprimées en maint passage de Delphine, comme par émulation avec les théories catholiques du Génie du Christianisme : ainsi la lettre de Delphine à Léonce (XIV, 3° partie), où elle le convie aux croyances de la religion naturelle et à une espérance commune d’immortalité ; ainsi encore, quand M. de Lebensei (XVII, 4° partie), écrivant à Delphine, combat les idées chrétiennes de perfectionnement par la douleur, et invoque la loi de la nature comme menant l’homme au bien par l’attrait et le penchant le plus doux, Delphine ne s’avoue pas convaincue, elle ne croit pas que le système bienfaisant qu’on lui expose réponde à toutes les combinaisons réelles de la destinée, et que le bonheur et la vertu suivent un seul et même sentier sur cette terre. Ce n’est pas, sans doute, le catholicisme de Thérèse d’Ervins qui triomphe dans Delphine ; la voie y est déiste, protestante, d’un protestantisme unitairien qui ne diffère guère de celui du Vicaire savoyard :