Madame de Mondoville sortait en même temps que moi ; elle exprima son mécontentement d’une manière très-visible de la politesse que me faisait Léonce. Ce n’était pas la jalousie qui l’irritait ; votre pauvre nièce ne passera jamais pour attirer l’attention de Léonce ; mais madame de Mondoville, avant son mariage comme depuis, n’a jamais manqué d’exercer sur moi toute la rigueur de sa pruderie ; je le mérite peut-être ; mais que la charmante Delphine, aussi pure que Mathilde, et mille fois plus aimable, sait mieux trouver l’art de faire aimer la vertu !
Adieu, ma chère tante ; revenez, revenez vite ; je puis vous promettre avec certitude que désormais je contribuerai tous les jours plus à votre bonheur.
Enfin je suis décidé, mon cher maître, sur le parti que je dois prendre : je verrai madame d’Albémar avant d’aller en Espagne. Une femme à qui je n’aurais pas permis, dans le temps heureux de ma vie, de prononcer le nom de Delphine, madame de R., m’a expliqué, je le crois, les contradictions qui m’étonnaient dans la conduite de madame d’Albémar. Avant mon arrivée, elle avait contracté des engagements avec M. de Serbellane ; mais il est vrai que depuis elle m’a aimé, et peut-être l’est-il aussi que ce sentiment a blessé M. de Serbellane, et qu’ils sont maintenant brouillés. Le séjour de madame d’Albémar à Bellerive, son trouble, son embarras en me voyant, tout peut se comprendre, si en effet elle se reproche de n’avoir pas été vraie avec moi.
Je ne puis plus avoir pour elle cet enthousiasme sans bornes qui me la représentait comme une créature sublime ; mais n’est-il pas simple que, si elle a sacrifié ses liens avec M. de Serbellane à son attachement pour moi, j’éprouve encore pour elle un attendrissement profond ? Cependant ne me connaissait-elle pas lorsque son amant a passé vingt-quatre heures chez elle ? Oh ! pensée de l’enfer ! écartons-la s’il est possible. Je veux revoir Delphine : c’est un ange tombé, mais il lui reste encore quelque chose de son origine.
Je lui dois d’ailleurs quelques excuses avant de la quitter pour toujours ; elle a peut-être souffert quand elle m’a su l’époux de Mathilde : c’était une action dure de me marier, de