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PREMIÈRE PARTIE.

J’avais envie d’aller à Paris pour parler encore à madame de Vernon ; je ne puis abandonner Thérèse, elle a pris la fièvre avec un délire violent, elle veut me voir à tous les instants. Hier j’étais sortie de sa chambre pendant quelques minutes ; elle me demanda, et ne me trouvant point auprès d’elle, elle tomba dans un accès de pleurs qui me fit une peine profonde. Non, je ne la quitterai point.

LETTRE XXXIV. — DELPHINE À MADEMOISELLE D’ALBÉMAR.
Bellerive, 10 juillet.

Ce jour s’est encore passé sans nouvelles, et cependant Léonce est arrivé ; un de mes gens, revenu ce soir de Paris, a rencontré un des siens. Je suis descendue vingt fois pendant le jour dans mon avenue, regardant si je ne voyais venir personne, reconnaissant de loin le facteur des lettres, courant d’abord au-devant de lui, mais bientôt forcée de m’appuyer contre un arbre pour l’attendre : les battements de cœur qui me saisissaient m’ôtaient la force de marcher.

J’ai épuisé toutes les informations que l’on peut prendre sur les lettres, sur les moyens d’en recevoir, sur la possibilité d’en perdre : je suis honteuse auprès de mes gens de ces innombrables questions ; je les ai cessées, n’en espérant plus rien. Il est clair que madame de Vernon n’a pas été contente de Léonce, puisqu’elle ne m’a pas mandé à l’instant même ce qu’il lui a dit ; elle espère le ramener. Non, je ne lui écrirai point ; non, je n’entrerai avec lui dans aucune justification ; je n’irai point à Paris pour le prévenir, pour lui demander grâce. Je peux avoir eu tort selon son opinion ; mais quand je lui confie mes motifs, mais quand je sollicite presque mon pardon par l’entremise de mon amie, enfin quand je suis seule ici dans la douleur, auprès du lit d’une infortunée qui succombe aux tourments du repentir et de l’amour, c’est à Léonce à venir me chercher.

LETTRE XXXV. — LÉONCE À SA MÈRE.
Paris, 11 juillet.

Je vous ai écrit, je crois, il y a quatre jours de Mondoville, ma chère mère, une lettre que je désavoue entièrement. Vous