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LA SUNAMITE.

remplit : si elle n’avoit pas peur de t’affliger, elle fuiroit les danses et les concerts qui attirent ici les habitans de Sunem, et se promèneroit solitaire avec nous dans la forêt des cèdres, ou sur les bords du Jourdain.

LA SUNAMITE.

Et veux-tu que je dérobe à tous les yeux ses grâces et sa beauté ? toutes les mères d’Israël m’envient. J’aime à me parer de Semida.

LA SŒUR.

Élève-la pour elle, et non pour toi. Laisse-la passer dans la paix les jours de son enfance ; tu as de l’orgueil, ne le mêle pas à l’amour maternel : la source en est si pure, faut-il la troubler ? Quand tu étois pauvre, tu servois mieux le Très-Haut. Le saint prophète Élisée, qui aimoit ton époux parce qu’il étoit pieux, vous a miraculeusement enrichis, en remplissant vos vases d’une huile précieuse qu’on recherchoit partout dans l’Orient. Tant que ton époux a vécu, ces biens, nouvellement obtenus, étoient la fortune du pauvre ; mais depuis sa mort, la beauté de ta fille a séduit ton cœur ; tu veux la montrer à tous les regards. Il vient ici des hommes et des femmes qui ne croient pas au vrai Dieu ! Comment, en effet, peut-on