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ADOLPHE.

Vos chagrins n’ont commencé qu’à sa mort.

SIGEFROI.

Nul ne sait ce qui se passe au fond du cœur. La destinée a tant de moyens de tourmenter l’homme ! qui peut deviner quel est celui qu’elle a tourné contre moi ?

ADOLPHE.

Il est pourtant si aisé d’être content ! Courir, chasser, jouir de ce beau temps, parcourir ces forêts, sentir qu’on vit seulement, est un plaisir.

SIGEFROI.

Adolphe, Adolphe, tant qu’on peut exister seul, la nature donne mille plaisirs ; mais quand ce malheureux cœur ressent le besoin d’aimer, qu’il est offensé, qu’il est trahi, qu’importent ce soleil, cet air pur, ces amusemens simples et vifs que l’on ne peut plus goûter ! Un poids affreux pèse sur mon âme. Respirer est un effort, m’éveiller un supplice, et sur tous ces objets qui t’enchantent, je crois voir planer les ténèbres.

ADOLPHE.

Que dites-vous, mon père ?

SIGEFROI.

À qui vais-je parler de ma douleur ? à cet en-