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GENEVIÈVE DE BRABANT.

tion profonde qui jamais ne parle en vain aux âmes religieuses. J’ai voulu rester seule, et pendant la nuit je me suis prosternée devant Dieu pour obtenir que mon sort me fût révélé. Aussitôt un songe mystérieux m’a fait revoir mon époux. Il étoit irrité. Mes larmes ne le touchoient point : il repoussoit sa fille loin de lui. Je voulois vous appeler, mon père, pour que vous pussiez donner à mon époux le témoignage du malheureux Golo ; mais un instinct secret me dit que le cœur seul de Sigefroi devoit le ramener à moi, et qu’il devoit en croire mes sermens, avant d’être convaincu par aucune preuve. Alors, de nouveau j’essayai de l’attendrir. Je l’implorois pour ma fille et pour moi : mes efforts étoient vains, quand tout à coup l’ange de la mort m’est apparu et m’a dit : « Femme infortunée, veux-tu mourir ? à ce prix ton époux te croira. » D’abord, la terreur m’a saisie ; mais j’en ai bientôt triomphé, et je me suis soumise à donner ma vie pour convaincre mon époux de mon innocence. À peine cet acte de résignation s’étoit-il accompli dans mon cœur, que j’ai vu ma fille dans les bras de Sigefroi : il se jetoit à mes pieds avec elle. Alors ma vision a cessé. Ne m’annonçoit-elle pas, mon père, que je dois mourir à l’instant où le bonheur me sera rendu ?