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GENEVIÈVE DE BRABANT.

ces jours heureux devoient m’être accordés en bien petit nombre.

L’ERMITE.

Fille de Dieu, que parlez-vous de jours ? Le temps ne nous a été donné que pour apprendre à souffrir, que pour choisir la route du ciel, pendant que nous sommes encore sur la terre. Tous les événemens de la vie ne sont qu’une vaine apparence qui peut épurer ou pervertir notre cœur.

GENEVIÈVE.

Hélas ! j’y tenois trop à cette vie passagère, quand il m’aimoit, quand j’étois heureuse et fière de fixer sur moi les regards de Sigefroi. Il partit pour aller combattre les Sarrasins, sous les drapeaux de Charles Martel ; mes larmes ne purent le retenir. Il me confia pendant son absence au chef de sa maison, à ce Golo qu’il croyait son ami. Le malheureux ressentit pour moi un amour criminel. Je le repoussai avec horreur, et pour se venger, il inventa la calomnie la plus atroce ; il partit à mon insu pour rejoindre mon époux, et l’art perfide qu’il employa, remplissant l’âme de Sigefroi de fureur et de jalousie, il en obtint l’ordre cruel de me faire périr avec l’enfant que je portois dans mon sein.