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GENEVIÈVE DE BRABANT.

L’ENFANT.

Je t’ai donc porté malheur, ma mère ? Ah ! prends garde de m’emmener avec toi. Ne t’ai-je pas entendu dire une fois, quand tu me croyois endormie et que j’écoutois ta prière, que ton époux, que mon père ne vouloit pas de moi ? Seroit-il possible qu’un enfant fût coupable sans le savoir ? Si cela étoit ainsi, il faudroit l’abandonner, il faudroit…

GENEVIÈVE.

Ah ! finis, ma fille, tu me déchires le cœur. Depuis dix ans je n’ai vécu que pour toi ; j’ai bravé toutes les souffrances pour te conserver le jour, et tu me parles de t’abandonner ! Cher enfant, toi qui m’as consolée sans connoître mes peines ; toi dont le regard me disoit mille fois plus que les plus éloquentes paroles, comment pourrois-je me séparer de toi ! Nous allons ensemble, après dix ans, chercher sur la terre nos amis et nos ennemis. Hélas ! qui peut savoir quel choix la mort aura fait parmi eux ?

L’ENFANT.

Je n’ai jamais vu que toi, ma mère ; mais dans les histoires que tu m’as racontées, tu me parlois souvent de la perfidie et de la méchanceté des hommes. Dis-moi donc, avois-tu éprouvé dans le monde rien de semblable ?