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DANS LE DÉSERT.

Ismaël.

Ah ! je t’entends, tu parles ; viens vers moi, je n’ai plus de force pour marcher, jusqu’à ce que tu m’aies donné un peu de cette eau.

Agar.

De l’eau, de l’eau, je n’en ai plus !

Ismaël.

Tu as donc tout bu, ma mère ? eh bien !…

Agar.

Cruel ! moi, j’en aurois pris une goutte ! tu n’as pu le croire. Regarde, j’ai voulu attacher ce voile pour garantir ta tête des rayons du soleil, et dans ce moment le génie de la perfide Sara, celui qui nous poursuit dans le désert, a brisé ta dernière ressource ; il n’en est plus. — Ismaël, si tu me crois coupable, ne sois point arrêté par le respect filial ; maudis ta mère, elle est à tes pieds : maudis-la, puisque son inutile amour n’a pu ni te protéger, ni te conserver la vie. Peut-être ainsi tu me soulagerois de la dévorante pitié que je ressens pour toi.

Ismaël.

Ma mère, que dis-tu ? je t’aime… mais une goutte d’eau pourrait seule me rendre à la vie. — Que vois-je à l’horizon ! ne sommes-nous pas près de la mer ?