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DANS LE DÉSERT.

défiguré ! le reconnoîtrois-je dans le ciel s’il n’avoit plus ces traits enchanteurs que j’ai contemplés tant de fois ? — Il se fioit si bien à moi ! il est parti si gai de la maison de son père ! Ma mère, disoit-il, allons-nous cueillir quelques fruits dans les bois ? allons-nous attraper cet oiseau de mille couleurs que tu m’as promis l’autre jour ?… et je le menois dans le désert. Cher enfant ! pardonne si je t’ai caché notre sort ; ce n’étoit point pour te tromper, c’étoit pour retarder l’instant de la douleur. Hélas ! n’est-ce pas ainsi que l’homme lui-même est attiré par la destinée ? Il avance sans crainte, il croit voir devant lui l’horizon immense et riant de la vie, et par degrés les nuages l’enveloppent, l’espérance l’abandonne, et quand la mort l’atteint, il a déjà tant souffert, qu’elle est presque la bienvenue. Mais toi, mon enfant, faudra-t-il que tu perdes si tôt le jour ! Non, je te retiendrai ; non, je ferai passer ma vie dans tes veines. Ah ! que dis-je ? impuissante créature que je suis, je puis mourir à tes pieds, et c’est tout. Sables arides qui m’environnez, désert silencieux, effroi de la solitude, vous pénétrez jusqu’au fond de mon cœur. Ô mon fils ! tu dors sans crainte auprès de moi, tu crois que je puis te protéger toujours, et tu ne sais pas que je suis