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ACTE II, SCÈNE II.

ÉLISÉE.

Ô femme ! que n’as-tu plus tôt éprouvé ces humbles sentimens !

LA SUNAMITE.

Un jour d’infortune en apprend plus au cœur que dix ans de prospérité.

ÉLISÉE.

Cruelle leçon qu’un arrêt irrévocable !

LA SUNAMITE.

Que veux-tu dire, irrévocable ? Semida vit ; elle souffre, il est vrai : je le sais, elle est pâle, abattue ; la rose de Saron ressemble maintenant au lis de la vallée ; mais si tu le veux, elle va relever sa tête ; si tu le veux…

ÉLISÉE.

La volonté du ciel est ma seule puissance.

LA SUNAMITE.

Et le ciel voudroit-il punir Semida des fautes de sa mère ? Ma fille est innocente de l’orgueil qu’elle m’inspiroit ; elle ignoroit le vœu qui l’attachoit au service des autels. Dans mon aveuglement coupable, j’ai pris soin de le lui cacher ; mais un instinct secret sembloit la disposer à suivre les désirs de son père. Vingt