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pente, dégringolait son ennemi avec une rapidité toujours croissante ; il tournait deux ou trois fois sur lui-même, puis faisait une grande culbute, retombait à terre, rebondissait et se précipitait avec un nouvel élan vers sa ruine. On voyait dans toutes les directions voler en éclats des parties du fauteuil : les pieds, le dossier, le coussin, tout était lancé en l’air. À cette vue, Pierre ressentit une joie si immodérée qu’il fit un bond prodigieux, puis se mit à rire, à frapper du pied, à sauter en cercle pour donner essor à son ravissement ; puis il revint à la même place pour regarder encore : nouvel éclat de rire, nouveaux sauts de joie ! Pierre était hors de lui du plaisir qu’il ressentait à contempler la ruine de son ennemi, car il prévoyait ce qui allait se passer : maintenant que l’étrangère n’aurait plus aucun moyen de transport, elle allait être forcée de partir ; Heidi serait de nouveau seule, elle viendrait avec lui au pâturage, en tout cas il l’aurait pour lui le matin et le soir à son arrivée au chalet, et tout rentrerait dans l’ordre. Mais Pierre ne calculait pas comment les choses se passent quand on a commis une mauvaise action et quelles en sont les suites.