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ALFRED DE VIGNY. 131 11 tombe au premier pas, mais ce pas est immense ; Heureux celui qui tombe aussitôt qu’il commence ! Heureux celui qui meurt et qui ferme des yeux Tout éblouis encor de rêves glorieux ! Il n’a pas vu des siens la perte ou la défaite ; Il rend au milieu d’eux une âme satisfaite ; Et s’exhalant en paix dans son dernier adieu, Le feu qui l’anima retourne au sein de Dieu. A l’éternel foyer Dieu rappelle ton âme ; Tu le sais à présent d’où venait cette flamme Qui, prenant dans ton cœur un essor trop puissant, A dévoré ton corps et brûlé tout ton sang. Peut-être, parvenue à l’âge des douleurs, Vierge encore au berceau, née entre deux malheurs, Connaissant tout son père et fuyant sa famille, Devant ce cœur brisé viendra tomber sa fille Et quand le lulh muet et le fer paternel Auront reçu les pleurs de son deuil éternel, Sa voix douce, évoquant une mémoire amère, Y chantera l’adieu qu’il chanta pour sa mère. Poète conquérant, adieu pour cette vie 1 Je regarde ta mort et je te porte envie ; Car tu meurs à cet âge où le cœur, jeune encor, De ses illusions conserve le trésor. Tel, aux yeux du marin, le soleil des tropiques Se plonge tout ardent sous les Ilots pacifiques, Et, sans pâlir, descend à son nouveau séjour Aussi fort qu’il était dans le milieu du jour. (MUSE française du 13 juin i824.) 1. Ada, cette jeune fille dont il a parlé dans l’élégie inti- tulé ddieu, et dans Child-Harold. (Note de l’anteur.)