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DES PROPRIÉTÉS QUI N’APPARTIENNENT PAS À DIEU

mais seulement négative ; donc on ne peut en donner une définition exacte.

3o En outre, ils disent encore que Dieu ne peut absolument pas être prouvé à priori, parce qu’il n’a pas de cause, mais qu’il ne peut être prouvé que d’une manière probable et par ses effets.

Puisqu’ils nous accordent eux-mêmes par ces diverses opinions quelle faible et pauvre connaissance ils ont de Dieu, nous pouvons maintenant entrer dans l’examen de leur définition.

D’abord, nous ne voyons pas qu’ils nous donnent en réalité des attributs ou des propriétés, par lesquels la chose (c’est-à-dire Dieu) puisse être connue dans ce qu’elle est, mais seulement des propres (propria), qui sans doute appartiennent bien à une chose, mais sans nous éclairer en rien sur ce qu’elle est. Car, lorsqu’on nous dit qu’un être subsiste par lui-même, qu’il est la cause de toutes les choses, qu’il est souverain bien, éternel, immuable, etc. ; tout cela sans doute est propre à Dieu, mais ne nous apprend pas quelle est son essence et quelles sont les vraies propriétés de cet être auquel ces propres appartiennent[1].

Il est temps aussi de considérer les choses qu’ils attribuent à Dieu et qui ne lui appartiennent pas[2], comme sont par exemple l’omniscience, la miséricorde infinie, toutes choses qui ne sont que des modes particuliers de la chose pensante, et qui ne peuvent en aucune façon exister ni être comprises sans la substance dont ils sont les modes, et qui par conséquent ne doivent pas être attribuées à Dieu, en tant qu’essence subsistant par lui-même.

  1. Le hollandais oppose ici le mot Eigenschappen (propriétés) au mot Eigenheiden, et l’allemand peut reproduire exactement la même nuance (Eigenschaften, Eigenheiten), qui nous manque en français. (P. J.)
  2. J’entends Dieu considéré en lui-même, dans l’ensemble de ses attributs. (MS)