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DE LA PRÉDESTINATION DIVINE

cause unique, cette cause elle-même devrait être contingente, ce qui est manifestement faux. Quant à la seconde hypothèse, si cette cause, en tant que cause, n’était pas déterminée à produire ou à omettre une chose plutôt qu’une autre, il serait impossible qu’elle produisit ou omît cette chose : ce qui répugne.

Quant à la seconde question : existe-t-il quelque chose dans la nature dont on ne puisse demander pourquoi il est, cela revient à dire que nous devons chercher par quelle cause quelque chose existe ; car, sans cette cause, la chose elle-même n’existerait pas.

Or cette cause doit être cherchée soit dans la chose, soit hors d’elle. Si on nous demande une règle pour faire cette recherche, nous dirons qu’il n’en est besoin d’aucune ; car, si l’existence appartient à la nature de la chose, il est certain que nous n’avons pas à en chercher la cause hors d’elle ; et s’il n’en est pas ainsi, c’est au contraire en dehors d’elle que la cause doit être cherchée. Or, comme le premier ne se trouve qu’en Dieu, il s’ensuit, comme nous l’avons déjà montré, que Dieu est la première cause de toutes choses. Il suit de là que même telle ou telle volition de l’homme (car l’existence de la volonté n’appartient pas à son essence) veut une cause externe, par laquelle elle est nécessairement causée, ce qui d’ailleurs résulte évidemment de tout ce que nous venons de dire dans ce chapitre, et deviendra plus évident encore quand nous traiterons dans notre seconde partie de la liberté humaine.

D’autres philosophes nous objectent : Comment peut-il se faire que Dieu, cause unique et souverain parfait, ordonnateur et pourvoyeur de toutes choses, ait permis dans la nature le désordre qui y règne ? pourquoi n’a-t-il pas créé l’homme incapable de pécher ?

Pour ce qui est du désordre de la nature, on ne peut l’affirmer avec certitude, car nous ne connais-