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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

c’est-à-dire que toutes choses ont été créées aussi parfaites qu’elles puissent être ;

2o Qu’aucune chose ne peut exister, ni être conçue sans lui.

Maintenant nous avons à nous demander s’il y a en Dieu des choses contingentes, c’est-à-dire qui puissent être ou n’être pas, et en second lieu s’il y a quelque chose dont nous ne puissions demander pour quelle raison elle est.

Voici comment nous démontrons qu’il n’y a pas de choses contingentes :

Tout ce qui n’a pas une cause d’existence est impossible. Or tout ce qui est contingent est ce qui n’a pas en soi de cause d’existence. Donc, —

La majeure précédente est hors de doute : la mineure se démontre ainsi : si un contingent a une cause certaine et déterminée d’existence, il est nécessaire qu’il soit. Mais qu’une chose soit à la fois contingente et nécessaire, c’est ce qui répugne. Donc, —

Quelqu’un dira peut-être que le contingent n’a pas une cause certaine et déterminée, mais seulement contingente. À quoi je réponds : s’il en était ainsi, il faudrait entendre ce principe soit dans le sens divisé (sensu diviso), soit dans le sens composé (sensu composito) : dans le premier sens, ce serait dire que l’existence de telle cause est contingente, mais non pas en tant qu’elle est cause ; dans le second sens, au contraire, elle serait contingente, non pas en soi, mais en tant que cause. Or l’une et l’autre de ces hypothèses sont fausses. Pour la première, en effet, si le contingent n’est tel que parce que l’existence de sa cause est contingente, il s’ensuivra que cette cause elle-même ne sera contingente que parce qu’elle aura à son tour une cause contingente, et cela à l’infini. Et comme on a vu que tout dépend d’une