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QU’EST-CE QUE DIEU ?

dehors de l’entendement humain. En outre, comme je le vois encore par ton exemple, tu confonds le tout avec la cause ; car, comme je le dis, le tout n’existe que par et dans ses parties : or, la substance pensante se présente à ton esprit comme quelque chose dont dépendent l’intelligence, l’amour, etc. ; tu ne peux donc pas la nommer un tout, mais une cause dont tous ces effets dépendent.

La Raison. — Je vois bien que tu appelles contre moi tous tes amis ; et ce que tu ne peux faire par tes fausses raisons, tu l’essayes par l’ambiguïté des mots, selon la coutume de ceux qui s’opposent à la vérité. Mais tu ne parviendras pas par ce moyen à tirer l’Amour de ton côté. Tu dis donc que la cause, en tant qu’elle est cause de ses effets, doit être en dehors d’eux. Tu parles ainsi parce que tu ne connais que la cause transitive, et non la cause immanente, qui ne produit rien en dehors d’elle-même : par exemple, c’est ainsi que l’intelligence est cause de ses idées. C’est pourquoi, en tant que ses idées dépendent d’elle, je l’appelle cause ; en tant qu’elle se compose de ses idées, je l’appelle tout ; il en est de même de Dieu, qui par rapport à ses effets, c’est-à-dire aux créatures, n’est autre chose qu’une cause immanente, et qui, au second point de vue, peut être appelé tout.


Dialogue second se rapportant d’une part à ce qui précède, et de l’autre à ce qui suit, entre Érasme et Théophile.


Érasme. — Je t’ai entendu dire, ô Théophile, que Dieu est la cause de toutes choses, et que pour cette raison il ne peut être qu’une cause immanente. Mais, étant cause immanente de toutes choses, comment