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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

répéterons encore, que rien n’est en dehors de Dieu, et qu’il est une cause immanente. Cependant la passivité, dans laquelle le patient et l’agent sont distincts l’un de l’autre, est une imperfection évidente ; car le passif doit nécessairement dépendre de ce qui, en dehors de lui, détermine en lui une passion, chose impossible en Dieu, puisqu’il est parfait. On peut dire encore que, s’il s’agit d’un agent qui agisse sur lui-même, il ne peut avoir l’imperfection d’être passif, puisqu’il ne subit pas l’action d’un autre : c’est ainsi, par exemple, que l’entendement, comme disent les philosophes, est cause de ses concepts ; mais, puisqu’il est cause immanente, qui pourrait dire qu’il est imparfait, aussi longtemps qu’il est lui-même la cause de sa propre passion ? Enfin, la substance étant le fondement premier de tous ses modes, elle peut être bien plus justement appelée agent que patient. Ainsi nous croyons avoir répondu à toutes les difficultés d’une manière satisfaisante.

Cependant, ici encore, on nous objecte qu’il faut une première cause pour mouvoir un corps, puisque par lui-même il ne peut se mouvoir quand il est en repos ; et comme il est évident que dans la nature, il y a du repos et du mouvement, il doit y avoir, dit-on, une cause extérieure dont ils émanent. Mais il est facile de répondre ; nous accordons en effet que si le corps était une substance existant par soi, et qu’il n’eût d’autre propriété que la longueur, la largeur et la profondeur, nous accordons qu’alors, s’il est en repos, il n’y a en lui aucune cause qui puisse faire qu’il commence à se mouvoir ; mais, comme nous avons dit précédemment que la nature est l’être auquel appartiennent tous les attributs, rien ne peut lui manquer pour produire tout ce qui peut être produit.

Après avoir parlé de l’essence de Dieu, nous n’avons qu’un mot à dire de ses attributs, à savoir