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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

réels, mais des êtres de raison : c’est pourquoi il n’y a dans la nature ni tout ni parties[1].

2o Une chose composée de diverses parties doit être telle que ses parties puissent être conçues chacune séparément : par exemple, dans une horloge composée de roues et de cordes, chaque roue et chaque corde peut être conçue séparément, sans avoir besoin de l’idée du tout que ces parties composent. De même dans l’eau, qui se compose de particules droites et oblongues, ces parties peuvent être conçues et pensées, et peuvent même subsister sans

  1. Dans la nature, c’est-à-dire dans l’étendue substantielle ; car diviser cette étendue, c’est anéantir son essence et sa nature à la fois, puisqu’elle consiste premièrement en ce qu’elle est une étendue infinie, ou un tout, ce qui est la même chose.

    Mais, dira-t-on, n’y a-t-il point de parties dans l’étendue, avant toute modification ? — En aucune façon. — Mais, insistera-t-on, s’il y a du mouvement dans la matière, il doit être dans une partie de la matière, et non dans le tout, puisque le tout est infini : car dans quelle direction pourrait-il se mouvoir, puisqu’il n’y a rien en dehors de lui ? Donc le mouvement a lieu dans une partie. Je réponds : Il n’y a pas seulement mouvement ; il y a à la fois mouvement et repos, et dans le tout ; et il est impossible qu’il en soit autrement, puisqu’il n’y a pas de partie dans l’étendue. Affirmez-vous néanmoins que l’étendue a des parties, dites-moi alors si, lorsque vous divisez l’étendue en soi, vous pouvez séparer en réalité de toutes les autres parties celles que vous séparez dans votre entendement ? Supposons que vous le fassiez, je vous demande alors : Qu’y a-t-il entre la partie séparée et le reste ? Ou bien le vide, ou un autre corps, ou quelque autre mode de l’étendue, car il n’y a pas de quatrième hypothèse. Le premier ne se peut pas, car il n’y a pas de vide, puisqu’il y aurait quelque chose de positif et qui ne serait pas corps. Le second n’est pas non plus possible, car il y aurait un mode, là où il ne doit pas y en avoir dans l’hypothèse, puisque l’étendue comme étendue existe sans ses modes et avant tous ses modes. Reste donc le troisième cas ; mais alors il n’y a pas de partie, mais l’étendue elle-même. (MS.)