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QU’EST-CE QUE DIEU ?

les considérons comme substances séparées, nous ne voyons pas qu’il y ait aucune nécessité d’existence, de telle sorte que l’existence n’appartient nullement à leur essence prise séparément ; il suit de là que la nature, qui ne naît d’aucune cause et que nous savons pourtant exister, doit être l’être parfait auquel l’existence appartient par essence[1].

De tout ce que nous avons dit jusqu’ici, il résulte évidemment que l’étendue est un attribut de Dieu, ce qui semble incompatible avec l’essence de l’être parfait. Car l’étendue étant divisible, l’être parfait se composerait de parties, ce qui semble incompatible avec la simplicité de Dieu. En outre, l’étendue, quand elle est divisée, est à l’état passif, ce qui est encore incompatible avec l’essence de Dieu, lequel n’est pas passif et ne peut rien subir d’un autre sujet, étant lui-même la première cause efficiente.

À quoi nous répondons :

1o Que le tout et la partie ne sont pas des êtres

  1. En d’autres termes, si aucune substance ne peut être conçue qu’existant, et si cependant l’existence ne peut appartenir à l’essence d’aucune substance, tant qu’elle est conçue comme séparée, il s’ensuit qu’elle ne peut pas être quelque chose de séparé, c’est-à-dire qu’elle ne peut être qu’un attribut d’autre chose, à savoir de l’être universel, du Tout-Être. Ou encore : toute substance existe ; or, l’existence d’une substance séparée ne résulte pas de son essence ; par conséquent, aucune substance existant ne peut être conçue séparée, mais doit appartenir à une autre substance : en d’autres termes, si nous concevons dans notre entendement la pensée substantielle, et l’étendue substantielle, nous les concevons seulement dans leur essence, et non dans leur existence, c’est-à-dire de telle sorte que l’existence appartienne nécessairement à leur essence ; nous démontrons ainsi que l’une et l’autre sont des attributs de Dieu, et nous le démontrons à priori : pour l’étendue seulement, nous pouvons le démontrer à posteriori, par le moyen de ses modes, qui supposent nécessairement la substance étendue comme sujet. (MS.)