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QU’EST-CE QUE DIEU ?

composée d’attributs infinis, dont chacun est infiniment parfait en son genre : ce qui répond de tout point à la définition de Dieu.

À ce que nous venons de dire, à savoir que rien n’existe dans l’entendement infini de Dieu qui ne soit formellement dans la nature, voici ce que quelques-uns essaient d’opposer :

Si Dieu a tout créé, il ne pourrait plus rien créer ; mais que Dieu ne puisse plus rien créer, est contraire à l’idée de sa toute-puissance. Donc, —

Nous accordons d’une part qu’en effet Dieu ne peut plus rien créer ; et de l’autre que si Dieu ne pouvait pas créer tout ce qui est susceptible d’être créé, cela contredirait sa toute-puissance. Mais nous n’accordons pas qu’il soit contraire à sa toute-puissance de ne pouvoir créer ce qui est contradictoire ; comme si l’on disait qu’il a tout créé, et qu’il pourrait encore créer quelque chose. Certainement, c’est une plus grande perfection en Dieu d’avoir créé tout ce qui est dans son intellect infini, que de ne l’avoir pas créé, ou de ne pouvoir le créer jamais. Pourquoi d’ailleurs tant insister ? Ne pourrait-on pas argumenter de même pour l’omniscience de Dieu, en disant : Si Dieu sait tout, il ne peut donc plus rien savoir ; mais que Dieu ne puisse pas savoir davantage, cela est contraire à la perfection divine. Donc, si Dieu sait tout dans son entendement infini, et si, en raison de sa perfection infinie, il ne peut plus rien savoir au delà, pourquoi ne pourrions-nous pas dire de même que tout ce qu’il a dans l’entendement, il l’a produit et fait, de telle sorte que cela existe ou existera formellement dans la nature ?

Puisque donc nous savons que tout est égal dans l’entendement divin, et qu’il n’y a pas de motif pour qu’il ait créé une chose plutôt qu’une autre, ni même pour qu’il ait tout créé à la fois dans un seul moment