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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

Pour la première proposition, à savoir qu’il n’y a pas de substance finie (et que toute substance est infiniment parfaite en son genre), si quelqu’un voulait soutenir le contraire, nous lui demanderions : Cette substance est-elle limitée par elle-même, a-t-elle voulu elle-même être limitée, et non illimitée ? ou bien est-elle limitée par sa cause, laquelle cause ou n’aurait pas voulu, ou n’aurait pas pu lui donner plus qu’elle n’a fait ? Le premier n’est pas vrai, car il est impossible qu’une substance ait voulu se limiter

    tenir infiniment à l'Être divin. Voici la preuve. En effet, ou bien : 1o elle se serait limitée elle-même ; — ou bien, 2o elle aurait été limitée par une autre substance. Or, elle ne peut s’être limitée elle-même, car, étant infinie, elle eût dû changer toute son essence. D’un autre côté, elle ne peut être limitée par une autre substance, car celle-ci devrait être finie ou infinie ; le premier terme est impossible (car le raisonnement recommencerait) ; c’est donc le second qui est vrai ; cette substance (infinie) serait donc Dieu. Mais celle-ci aurait limité l’autre ou par défaut de puissance, ou par défaut de volonté : le premier est contre la toute-puissance ; le second est contre la bonté. Il n’y a donc pas d’autre substance que la substance infinie. Il suit de là qu’il ne peut y avoir deux substances infinies égales : car cela seul serait une limitation ; et encore, qu’une substance ne peut pas en créer une autre. En effet, la cause qui devrait créer cette substance aurait les mêmes propriétés que celle qu’elle aurait créée, et par conséquent autant, ou plus, ou moins de perfection ; or, elle ne peut en avoir autant, car il y aurait deux substances égales ; ni plus, parce que l’une des deux serait finie ; ni moins, parce que de rien ne peut sortir quelque chose ; en outre, si de la substance infinie pouvait sortir une substance finie, l’infini serait fini, etc., et par conséquent une substance ne peut pas en produire une autre. D’où il suit que toute substance doit exister formellement, c’est-à-dire réellement ; car si elle n’existait pas en acte, elle ne parviendrait jamais à naître (MS.)

    Cette note confirme ce que nous avons avancé dans notre introduction, que les notes ne sont pas, ou ne sont pas toujours de la main de Spinoza ; car elle ne fait que reproduire, en termes plus obscurs, la démonstration du texte. (P. J.)