Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
DIEU EXISTE

ches de lui que celles dont l’essence objective ne réside que dans son entendement. Si donc l’homme a l’idée de Dieu, il est évident que Dieu doit exister formellement, et non pas éminemment, car, en dehors et au-dessus de lui, il n’y a rien de plus réel et de plus parfait[1].

Que l’homme ait l’idée de Dieu, c’est ce qui résulte clairement de ce qu’il connaît les propriétés[2] de Dieu,

    ment elle ne dépend pas de moi, mais encore, au contraire, Dieu seul peut être le sujet (réel) de ce que j’affirme de lui, de telle sorte que, s’il n’était pas, je ne pourrais affirmer de lui absolument rien, tandis que je puis toujours affirmer quelque chose des autres objets, même quand ils n’existent pas réellement ; bien plus, il doit être le sujet de toutes choses. En outre, quoiqu’il soit évident, par ce que nous venons de dire jusqu’ici, que l’idée d’attributs infinis dans un être parfait n’est pas une fiction, nous pouvons encore ajouter ce qui suit. En réfléchissant sur la nature, nous n’avons trouvé jusqu’à présent que deux propriétés qui puissent convenir à cet être infiniment parfait. Mais ces deux propriétés sont loin de nous suffire pour nous donner à elles seules l’idée de l’être parfait ; au contraire nous trouvons en nous quelque chose qui nous annonce non-seulement plusieurs autres attributs, mais un nombre infini d’attributs infinis, qui doivent appartenir à l’être parfait, afin qu’il puisse être dit parfait. D’où vient donc cette idée de perfection ? Elle ne peut être formée à l’aide des deux idées mentionnées, car deux ne donnent que deux, et non un nombre infini. D’où donc ? Non pas de moi certainement, je devrais donner ce que je n’ai pas. D’où enfin, si ce n’est des infinies perfections elles-mêmes, qui nous disent qu’elles sont, sans nous dire ce qu’elles sont ? car de deux seulement nous savons ce qu’elles sont. (MS.)

  1. Admettre que la cause de l’idée de Dieu existe éminemment, ce serait dire que cette cause serait plus parfaite que Dieu, ce qui est impossible. La cause de l’idée de Dieu est donc Dieu lui-même, rien de plus. (P. J.)
  2. Ses propriétés. — Mieux vaudrait dire : parce qu’il connaît ce qui est propre à Dieu. Car ces choses, l’infinité, la perfection, l’immutabilité, ne sont pas des propriétés [des attributs] de Dieu. Il est bien vrai que sans elles il ne serait pas Dieu. Mais ce n’est pas par elles qu’il est Dieu, parce