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DIEU EXISTE

connaître à la fois, il n’a pas la puissance de commencer à connaître ceci plutôt que cela. N’ayant ni l’une ni l’autre de ces deux puissances, il ne peut rien par lui-même.

Cela posé, la majeure en question[1] se démontre ainsi :

Si l’imagination de l’homme était la seule cause de son idée, il ne pourrait comprendre quoi que ce soit. Or il peut comprendre quelque chose. Donc, —

Cette nouvelle majeure[2] se démontre ainsi : puisque par la première règle les choses connaissables sont en nombre infini, que par la seconde un esprit fini ne peut comprendre le tout (l’infini), et enfin que par la troisième il n’a pas la puissance de comprendre ceci plutôt que cela, il serait impossible, s’il n’était déterminé extérieurement, qu’il fût en état de comprendre quelque chose[3].

  1. À savoir cette majeure « que la cause doit contenir formellement ce que l’idée contient objectivement. » (P. J.)
  2. À savoir « si l’imagination de l’homme… » Il y a ici une sorte de cascade de majeures qui rend le passage assez difficile à comprendre. La proposition principale est celle-ci : « Si l’homme a l’idée de Dieu, Dieu doit exister formellement. » Cette proposition se démontre par un syllogisme, dont la majeure est : « La cause d’une idée doit exister formellement, et contenir tout ce que l’idée contient objectivement. » Cette majeure à son tour se démontre par un nouveau syllogisme, dont la majeure est : « Si l’imagination de l’homme était la seule cause de son idée (c’est-à-dire), s’il n’y avait pas une cause formelle extérieure, l’homme ne pourrait absolument rien comprendre. » (P. J.)
  3. En outre, dire que cette idée est une fiction est insoutenable, car il est impossible d’avoir cette idée, si elle (son objet) n’existe pas, d’après ce qui vient d’être démontré. À quoi nous ajoutons : il est bien vrai que dans une idée qui, une première fois, nous est venue d’une certaine chose, et est ensuite considérée par nous en général in abstracto, nous pouvons, dans la suite, penser séparément diverses parties, auxquelles nous ajoutons fictivement d’autres pro-