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L
INTRODUCTION

4o Toutes les choses que nous produisons au dehors sont d’autant plus parfaites qu’elles peuvent s’unir à nous-même en une seule et même nature : ainsi, lorsque je communique mes idées aux autres hommes et que je les fais par là participer au salut, j’arrive à confondre leur volonté avec la mienne, de manière à ne faire qu’une seule et même nature avec eux.

En résumé, voici la définition de la vraie liberté, à savoir : la ferme réalité que notre esprit acquiert par son union immédiate avec Dieu, de manière à produire en soi des idées et en dehors de soi des actions qui s’accordent avec la nature, et qui, n’étant ni les unes ni les autres produites par des causes externes, ne peuvent être ni détruites ni changées.

Les dernières paroles de l’ouvrage achèvent, comme nous l’avons dit, de nous en attester la parfaite authenticité. Elles nous prouvent le secret avec lequel la doctrine de l’auteur était enseignée et propagée, soit par lui-même, soit par ses disciples : « Puisque vous connaissez le siècle où vous vivez, dit Spinoza à ses élèves, je vous prie et je vous conjure de prendre des précautions pour la manifestation de ces idées. Je ne veux pas dire qu’il faille les conserver pour vous seuls, mais seulement que si vous entreprenez de les dévoiler à quelqu’un, votre seul but soit le salut de vos proches, étant d’ailleurs assurés de la manière la plus évidente que vous ne perdrez pas le fruit de votre travail. »

On voit par là que l’enseignement de Spinoza était véritablement un enseignement secret et ésotérique, comme on l’a souvent supposé à tort des grands philosophes de l’antiquité. À la vérité, il en avait laissé percer les tendances et les principes dans son ouvrage du Theologico politicus ; mais il n’y disait pas encore tout son secret ; c’est pourquoi, tant qu’il vécut, il ne voulut point publier son Éthique, et peut-être est-ce encore là une des raisons qui lui firent adopter la forme géométrique dont le laborieux échafaudage cachait et protégeait à la fois la doctrine suspecte qui y était exposée.

Pour conclure, le de Deo et Homine est bien loin