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XLIX
INTRODUCTION

Pour Spinoza, la seule manière de vaincre la passion, c’est la connaissance de Dieu et l’amour divin : privés de ces deux principes, nous sommes hors de notre élément. C’est une absurdité des théologiens de dire que, s’il n’y avait pas de vie future, nous aurions intérêt à ne rechercher que notre bien personnel, comme s’il pouvait y avoir pour nous quelque chose de meilleur que Dieu. N’est-ce pas comme si l’on disait que le poisson, s’il n’y avait pas pour lui de vie future, aurait intérêt à quitter l’eau pour vivre sur la terre. Pour chercher Dieu et l’aimer, nous n’avons besoin d’autre motif que notre utilité, puisque, n’étant rien que par lui, ce n’est qu’en lui que nous pouvons trouver notre repos.

La raison n’est donc pas ce qu’il y a de meilleur en nous ; ce n’est qu’un degré qui, semblable à l’esprit précurseur, nous annonce le souverain bien, et nous excite à le chercher.

Une note curieuse, soit de Spinoza, soit de l’un de ses disciples, rapproche la doctrine précédente de celle de la théologie réformée. Qui ne voit, dit l’auteur de cette note, l’analogie de cette doctrine avec celle de l’Église ? Les passions fausses, c’est le péché ; la foi vraie, c’est la loi : la vraie connaissance, c’est la grâce, qui nous affranchit définitivement du péché.

Telle est la nature de la véritable liberté : c’est la dernière théorie de l’ouvrage, aussi bien que dans l’Éthique. Spinoza la résume dans les conclusions suivantes :

1o Dieu étant l’essence infinie, et par conséquent l’action infinie, les choses ont d’autant plus d’action et d’autant moins de passion qu’elles sont plus unies à Dieu.

2o Aucune cause ne pouvant être à elle-même la cause de sa destruction et ne pouvant périr si elle n’est pas causée par une cause externe, il s’ensuit que la vraie intelligence ne peut pas périr.

3o Les actions du vrai entendement, de la vraie connaissance sont les meilleures de toutes, puisque ce sont des actions internes, et elles sont éternelles, comme l’entendement lui-même.