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XLVI
INTRODUCTION

essence, de sorte qu’il n’y a pas lieu à un amour distinct de celui qu’ils ont pour eux-mêmes.

Les lois de Dieu. — Cela posé, y a-t-il des lois imposées par Dieu aux hommes et suivies de récompenses et de punitions ?

Non : les lois de Dieu sont celles que nous ne pouvons pas transgresser. Ce sont les lois de la nature, comme celle-ci que le faible doit céder au fort, ou qu’une cause ne peut pas donner plus qu’elle n’a. Ces sortes de lois sont nécessaires et inviolables.

Les seules lois qu’on puisse transgresser, ce sont les lois humaines, lesquelles tendent non au bien du tout en général, mais au bien de la partie.

Il semble alors, d’après ces principes, que les lois morales proprement dites, c’est-à-dire celles qu’on peut violer, ne sont que des lois partielles, subordonnées aux lois de la nature, qui sont les lois du tout. En un mot, le bien et le mal moral n’ont de valeur que par rapport à l’homme, et n’en ont pas absolument et en soi ; même, elles seraient plutôt contraires à l’intérêt du tout, en supposant, ce qui est impossible, qu’elles pussent prévaloir contre les lois de la nature.

Mais Spinoza donne un autre tour à sa doctrine, qui va la concilier avec les principes reçus.

La fin propre d’un être, dit-il, peut servir en même temps, à l’insu de cet être, à une fin plus relevée. C’est ainsi que l’abeille, en faisant du miel, travaille à l’intérêt de l’homme. De même l’homme, tout en croyant travailler seulement à son intérêt, sert en même temps aux fins de la nature en général, qui l’emploie comme un instrument. Ainsi, les lois morales portées par l’homme, tout en n’étant directement provoquées que par l’idée du bien de l’humanité sont en même temps des moyens subordonnés à la fin de l’univers.

On remarquera dans cette nouvelle théorie :

1o L’idée de fin employée par Spinoza : il n'a pas encore pris parti comme dans l’Éthique, contre l’idée de finalité ; et, chose remarquable, l’exemple qu’il invoque ici est précisément emprunté à ce que l’on appelle la finalité