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XLIV
INTRODUCTION

corps qui communiquent aux esprits autant de repos qu’ils ont reçu de mouvement.

La conclusion de toute cette théorie, très-incomplète, sur l’union de l’âme et du corps, c’est que l’âme ne triomphe pas des passions par une action directe sur le corps, mais en substituant la connaissance vraie aux degrés inférieurs de l’entendement.[1]

L’amour de Dieu et l’immortalité de l’âme — Ce n’est donc pas la raison, c’est-à-dire le raisonnement, qui peut nous donner le salut ou la régénération ; c’est la connaissance intuitive, celle qui va droit à l’objet et qui, nous en montrant l’excellence, nous y unit par l’amour.

C’est cette union qu’il faut expliquer. Tout objet de la nature a son idée ; plus cet objet est parfait, plus l’union de cette idée avec son objet est intime et parfaite. Le corps humain a donc son idée et cette idée est son âme : or, comme c’est là le premier objet de cette idée, c’est avec ce corps qu’il est d’abord intimement uni ; mais, comme l’esprit ne peut se reposer dans l’idée du corps, elle passe nécessairement à la connaissance de celui sans lequel le corps ne saurait ni exister ni être conçu ; et puisque le corps engendre déjà un amour des plus vifs, combien plus grand encore ne devra pas être l’amour engendré par le plus grand des objets, c’est-à-dire par Dieu ! Comment se fait ce passage suivant Spinoza, à savoir le passage de l’amour du corps à l’amour de Dieu ? C’est que la nature n’est qu’une seule substance, et que toutes les choses s’unissent en Dieu. En s’unissant au corps, l’âme s’unit donc à Dieu : et c’est l’impossibilité de comprendre le corps sans Dieu qui nous fait passer de l’un à l’autre.

  1. Spinoza introduit encore ici une question épisodique qui eût été mieux à sa place dans la discussion du libre arbitre, à savoir : comment, sachant qu’une chose est bonne, nous choisissons celle que nous connaissons pour mauvaise ? La réponse est que le raisonnement qui est une opération médiate, est impuissant contre les passions qui naissent du fond même de l’âme (chap. XXI).