Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XLIII
INTRODUCTION

Réponse. — La tristesse est produite par l’opinion qu’il y a du mal dans un objet : cette idée détermine le cours des esprits vers le cœur et exerce une pression qui cause de la douleur. Or, le vin ou telle autre cause, en détournant le cours des esprits, supprime cette douleur : l’âme, délivrée, se porte vers un autre objet qui peut lui procurer du plaisir. Telle est l’explication que Spinoza donne dans une note ; dans le texte, il dit, plus simplement encore, que la tristesse a lieu quand l’âme sent que la puissance de diriger les esprits lui est enlevée ; mais, si une cause quelconque rétablit les esprits dans leur situation antérieure, l’âme éprouve de la joie ; seulement, si c’est par une cause purement matérielle, cette joie est éphémère et fragile ; si c’est par une bonne passion, c’est une joie persistante et absolue.

2o Si l’âme peut diriger le mouvement, pourquoi ne le produirait-elle pas ?

Réponse. La nature, quoique ayant plusieurs attributs, n’est cependant qu’un seul être, de telle sorte qu’il n’y a qu’une seule chose pensante dans toutes les natures. Le corps prenant d’un côté le mode du corps de Pierre, de l’autre le mode du corps de Paul, il s’ensuit qu’il y a une idée de Pierre et une idée de Paul : or la chose pensante peut mouvoir le corps de Pierre par l’idée de Pierre, mais non le corps de Paul, lequel ne peut être mû que par sa propre idée ; il en est de même de tout autre corps[1].

2o Il semble enfin que nous puissions produire du repos dans notre corps, par exemple la lassitude, par le moyen de l’exercice de nos membres.

Réponse. — L’âme peut produire le repos, mais non pas directement : c’est seulement par le moyen d’autres

  1. Cette réponse ne paraît pas satisfaisante, ou du moins pas assez précise. Elle prouve bien qu’on ne peut mouvoir les autres corps que par le moyen du sien propre : mais elle ne prouve pas que l’homme, dans son propre corps, ne puisse pas produire de mouvement, et qu’il ne soit capable que de le diriger.