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XXXIII
INTRODUCTION

idées. – Quant aux choses, elles peuvent nous paraître ou possibles ou nécessaires. Quant à celui qui possède ces idées, elles peuvent le déterminer à agir de deux manières, soit pour que la chose arrive, soit pour qu’elle n’arrive pas.

Cela posé, l’espérance a lieu quand nous croyons qu’une chose bonne est possible ; c’est une joie mêlée de quelque tristesse.

La crainte est une tristesse qui a lieu quand nous considérons comme possible une chose mauvaise.

Si une chose future est considérée comme bonne et nécessaire, c’est la sécurité : si elle est mauvaise, c’est le désespoir.

Voilà pour les idées en elles-mêmes : voyons maintenant celles qui ont rapport à celui qui a les idées.

1o Quand nous pensons qu’il y a quelque chose à faire et que nous hésitons, c’est la fluctuation ; 2o quand l’âme est fortement résolue, c’est l’intrépidité ; 3o quand elle a décidé quelque chose de difficile, c’est l’audace ; 4o s’il s’agit de quelque chose qu’un autre a fait, c’est l’émulation ; 5o si nous reculons devant une chose à faire, c’est pusillanimité ; 6o si elle est très-grande, c’est consternation ; 7o si nous voulons jouir d’un bien à nous tout seuls, c’est la jalousie.

De toutes ces passions, qui dérivent toutes, comme on voit, de l’espoir et de la crainte, quelles sont les bonnes, quelles sont les mauvaises ?

Espérance, crainte, sécurité, désespoir et envie sont des passions mauvaises, car nous avons vu que tout est nécessaire ; or toutes ces passions naissent de la fausse opinion que les choses peuvent arriver ou ne pas arriver ; et quoique cette raison ne paraisse pas valoir contre la sécurité et le désespoir, cependant ces deux passions sont mauvaises, parce qu’elles n’auraient pas lieu si l’espérance et la crainte n’avaient pas précédé. Ni l’une ni l’autre ne se rencontrent dans l’homme parfait, qui ne s’attache pas aux choses passagères, et immuables.

La fluctuation, la pusillanimité, la consternation sont évidemment mauvaises par elles-mêmes, car