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XXXII
INTRODUCTION

de mal à agir sine ira, sine odio ; mais, si cela n’est pas mal, cela est bien, car il n’y a pas de milieu entre le bien et le mal. En outre, la haine vient de l’opinion, car une chose qui nous paraît mauvaise en un temps peut nous paraître bonne en un autre temps.

En résumé, l’amour est toujours bon, parce qu’il tend à notre accroissement et à notre perfectionnement ; la haine et ses dérivées (l’aversion, l’envie, la colère) sont toujours mauvaises, parce qu’elles tendent à notre destruction.

On remarquera que cette dernière idée, qui deviendra fondamentale dans l’Éthique et sera la base de toute la théorie des passions, ne se présente ici qu’en sous-ordre et d’une manière secondaire sans que Spinoza ait encore pensé à en faire le principe de sa doctrine.

Le désir et la joie venant de l’amour, tout ce que nous avons dit de l’amour s’applique à ces passions.

Quant à la tristesse, elle est mauvaise, parce que, quand nous sommes tristes, nous sommes impuissants à agir : celui qui connaît Dieu ne peut être triste. Il faut donc éviter la tristesse.

Voici maintenant la série des autres passions. Spinoza en donne la définition, en y ajoutant, pour quelques-unes, la qualification de bonnes ou de mauvaises.

L’estime et le mépris sont un amour ou une haine pour quelque objet considéré comme plus grand ou plus petit que nous. La générosité consiste à connaître sa propre perfection selon sa vraie valeur ; L’humilité, à connaître son imperfection sans se mépriser soi-même ; l’orgueil, à s’attribuer une perfection qu’on n’a pas ; L’abjection, à s’attribuer une imperfection qu’on n’a pas.

On voit par la que la générosité et l’humilité sont des passions bonnes puisqu’elles apprennent à chacun à se connaître lui-même, ce qui est nécessaire à la perfection. L’orgueil et l’abjection, au contraire, venant d’une fausse opinion de soi-même, sont mauvaises.

Passons à l’espérance et à la crainte.

Pour comprendre la nature de ces passions, il faut distinguer les idées : 1o par rapport aux choses qu’elles représentent ; 2o par rapport à celui qui possède ces