emprunté à la théorie des idées de Platon et aussi à la théorie du sage stoïcien.
Il faut partir, dit Spinoza, de l’idée de l’homme parfait. Cette idée est un type d’après lequel nous mesurons toutes les actions de l’homme : ce qui conduit à la réalisation de ce type est bon ; ce qui en éloigne est mauvais. Le bien et la mal n’ont donc de sens que par rapport à l’espèce et non par rapport a l’individu. Dans l’individu, par exemple dans Adam, il n’y a pas un être idéal, un être de raison avec lequel nous puissions comparer l’être réel, pour voir s’il s’en approche ou s’il s’en éloigne, car, dans l’être individuel, la fin ou l’essence ne nous est connue que par le résultat, par l’événement. C’est donc seulement par rapport à l’espèce que l’individu peut être dit bon ou mauvais.
Le bien et le mal (tels que nous venons de les définir, à savoir ce qui approche ou éloigne de la réalisation de l’homme parfait) nous sont révélés dans les objets par nos divers modes de connaissance. Or l’opinion nous induit souvent en erreur ; la foi vraie est bonne en ce qu’elle conduit à la connaissance, parce qu’elle nous excite à aimer les choses vraiment aimables. La connaissance vraie, l’intuition, est la seule absolument bonne, et d’autant meilleure que son objet est meilleur ; par conséquent, la plus parfaite de toutes les connaissances est celle de Dieu.
Tels sont les principes d’après lesquels on peut juger des bonnes et des mauvaises passions.
1o L’admiration implique une imperfection, parce qu’elle vient du préjugé et de l’ignorance : mais ce n’est qu’une imperfection et non un mal ; l’admiration ou l’étonnement ne contient aucun mal en soi.
2o L’amour est l’union de l’esprit avec son objet. Il se qualifie d’après la qualité de l’objet.
Or il y a trois sortes d’objets : les corruptibles en soi, les incorruptibles par leur cause, et l’incorruptible absolu.
Les premiers sont les choses particulières ; les seconds sont les modes généraux ou modes divins ; le troisième est Dieu, c’est-à-dire la substance et ses attributs.